jeudi 3 novembre 2011

La structure : la base d'un discours clair et précis

Il est vrai qu’on devrait toujours juger son travail de par son contenu. Mais le contenant ne joue-t-il pas un rôle tout aussi primordial? La réponse est OUI. C’est pourquoi une bonne structure est cruciale afin que les arguments soient bien saisis.

Avant de commencer son intervention, on doit toujours se souvenir d'un principe très simple : les juges sont paresseux. Ils ne devraient pas avoir à chercher où commencent et où finissent vos arguments. Ils ne devraient pas avoir à se demander si ce que vous dites est un argument ou une réfutation. La structure du débat doit donc être impeccable pour faciliter leur tâche d’analyse. Et comme les juges sont là pour nous aider, bref il faut les aider à nous aider. Avoir une bonne structure aide également les membres de l’équipe adverse à assimiler votre point de vue et vos arguments.

La structure en bref

La structure de base d’un débat ressemble à ceci (avec certains ajustements selon le rôle que vous jouez) :

Introduction

Présentation de la motion ou rappel de la motion

Présentation du «roadmap» : titrer les arguments, annoncer qu’ils seront suivis d’une réfutation et d’une reconstruction.

Argument 1

Argument 2

Argument 3

Réfutation

Reconstruction

Conclusion et cristallisation

Attention! Essayez de rester le plus cloisonnés possible. Par exemple, si vous faites la réfutation, n’insérez pas des points de reconstruction.

L’introduction

L’introduction ne devrait pas durer plus de 30-45 secondes. Elle devrait expliquer les raisons qui sous-tendent les arguments que vous allez présenter.

Présentation du «roadmap»

Ainsi, après avoir introduit votre intervention, annoncez votre plan de match :

«Monsieur le président, afin de faire valoir notre point de vue, je vous présenterez trois arguments. Le premier se nomme L’importance de la sécurité. Deuxièmement, je vous parlerai de la structure du système carcéral. Finalement, le troisième argument est la liberté individuelle. Suite à ceci, je réfuterai les arguments présentés par mon collègue et procéderai à une brève reconstruction.»

Attention! Bien que titrer ses arguments puisse être un gage de créativité, les titres doivent toutefois introduire l’argument adéquatement. On ne doit pas donner un titre original, mais qui ne décrit en rien l’argument.

Arguments

Développez chaque argument en prenant bien soin de l’introduire par le titre que vous lui avez donné.

Expliquez la base de l’argument, puis étayez-le par des exemples qui illustreront votre propos.

Réfutation

Tentez d’y aller méthodiquement. Reprenez les arguments de l’adversaire en les adressant un à un. Annoncez quels arguments vous allez réfuter en le nommant par son titre :

«Monsieur le Président, concernant l’argument de liberté individuelle présentée par l’opposition…»

Reconstruction

Rappelez rapidement les arguments de votre collègue. Essayez de les décrire dans vos propres mots et non pas seulement les nommer.

Conclusion et cristallisation

La conclusion est un «wrap up» de votre intervention. Elle rappelle le pourquoi de votre argumentaire et peut contenir un bref résumé de vos arguments.

Attention! La cristallisation devrait être une étape indépendante de la conclusion. La cristallisation est la dernière impression que vous laissez au juge. Elle doit donc être «punchée» et présenter en quelques phrases pourquoi l’argumentaire adverse ne tient pas et le votre est le meilleur. Pour de plus amples informations sur la cristallisation, référez-vous à l’article «La cristallisation : l’importance de la synthèse».

Suivez cette recette et votre intervention n’en sortira que plus solide!

jeudi 22 septembre 2011

Le «Split» : un effort de clarification

Le « split » est une option de division des rôles au sein de l’équipe de l’opposition qui est aujourd’hui acceptée dans la vaste majorité des tournois de débat parlementaire canadien en français. Nous tenterons, au cours des prochaines lignes, de clarifier ses modalités.

Le split se nomme ainsi car il consiste en la division du discours de 10 minutes du Chef de l’opposition.

Selon le second modèle, le Chef de l’opposition est le premier à parler et présentera deux arguments constructifs en plus de la réfutation. Suite au discours du Membre du gouvernement, le Membre de l’opposition présente un discours composé d’un ou deux arguments, la réfutation du Membre du gouvernement et la reconstruction du Chef de l’opposition. Ce discours de sept minutes a ses première et dernière minutes protégées. En troisième lieu, le Chef de l’opposition revient sur la scène immédiatement après le discours du Membre et présente un discours de trois minutes essentiellement composé d’une cristallisation, mais pouvant contenir quelques points de réfutation. L’apport de nouveaux arguments est proscrit. Le débat se conclut ensuite avec le discours standard du Premier ministre de trois ou quatre minutes.

Pourquoi le Split?

Ce format de débat peut être utilisé afin de favoriser une équipe dont l’un des membres est beaucoup moins expérimenté que l’autre. Pour les novices, il est parfois difficile de se lever et de présenter des arguments percutants après le bref discours de 6 ou 7 minutes du Premier ministre. Le débatteur expérimenté en revanche a généralement plus de facilité à effectuer cette tâche et il assume également un rôle important au point de vue de la construction du cas en présentant deux arguments. De surcroît, la cristallisation est une technique un peu plus complexe et le bri dans le débat permet de s’assurer que les dernières minutes de l’opposition seront dédiées à effectuer cette tâche et à apporter une conclusion satisfaisante à l’argumentation du cas. L’inconvénient du Split est de limiter la possibilité pour un orateur brillant d’effectuer un laïus en grandes envolées qui est au contraire favorisé par le temps de parole de 10 minutes.

jeudi 15 septembre 2011

Quand et comment présenter une contre-motion

Lorsque le gouvernement présente une motion qui correspond à un « plan », l’opposition a la possibilité de présenter une « contre-motion » (également appelée « contre-plan » ou « alternative »). La contre-motion doit toutefois être utilisée judicieusement car elle implique un plus grand fardeau de preuve pour l’opposition. Cette capsule a donc pour but de démystifier cette technique.

La contre-motion ne s’applique pas aux débats philosophiques ou moraux (ex : « la polygamie est-elle acceptable? ») mais plutôt aux débats concrets qui tentent de répondre à des besoins spécifiques. Par exemple :

«QSRQ la ville d’Ottawa se munisse d’un réseau de train léger souterrain qui permettra de réduire les embouteillages au centre-ville.»

Dans un cas comme celui-ci, l’opposition peut se contenter de démontrer en quoi un réseau de train léger est une mauvaise proposition / ne convient pas à la ville d’Ottawa.

OU

Elle peut proposer une contre-motion. Par exemple :

«QSRQ la ville d’Ottawa favorise plutôt la création d’un centre-ville interdit à la circulation automobile» (toujours afin de réduire/éliminer les embouteillages).

Les deux parties s’entendent alors sur le fait que la ville d’Ottawa doive réduire les embouteillages, mais chacune doit montrer en quoi sa stratégie est meilleure (et en quoi celle de l’adversaire est inadéquate).

Ainsi, dans un débat « normal », l’opposition doit simplement démontrer en quoi le plan du gouvernement ne sert pas le « but » de la motion (ou encore en quoi le « but » de la motion n’est pas valide). Cependant, lorsque l’opposition propose une contre-motion, elle doit non seulement démontrer en quoi le plan du gouvernement n’est pas adéquat, mais également en quoi son plan sert mieux le « but » de la motion. La tâche de l’opposition est donc double.

Dans quelles situations devrait-on présenter une contre-motion?

S’il est facile de réfuter le plan du gouvernement sans avoir à proposer d’alternative, il n’est pas nécessaire de présenter de contre-motion. Cependant, il arrive parfois que la contre-motion réussisse à redynamiser un débat. Voici quelques exemples de situations et de types de contre-motions :

1. Présenter une contre-motion lorsque la motion du gouvernement n’est pas pertinente ou ne présente qu’un fardeau de preuve très faible (vous pouvez ainsi réorienter le débat et sauver une ronde qui autrement serait très ennuyante pour tout le monde).

Exemple de motion : Imposer une taxe spéciale sur la malbouffe afin de réduire le taux d’obésité.

Cette motion n’est ni originale, ni intéressante. De plus, elle présente un fardeau de preuve assez faible (il est difficile pour l’opposition de défendre la malbouffe; son seul argument se résume au libre-choix et à la responsabilisation des citoyens).

Exemple de contre-motion : Interdire la production et l’importation de malbouffe au Canada afin de réduire le taux d’obésité.

Cette contre-motion introduit de nouveaux enjeux (une interdiction pure et simple est beaucoup plus ambitieuse qu’une simple question de fiscalité) sans toutefois changer le « but » de la motion (réduire le taux d’obésité).

2. Présenter une contre-motion pour renverser la vapeur et surprendre le gouvernement (proposer des mesures plus extrêmes que celles du gouvernement).

Exemple de motion : Décriminaliser la consommation de marijuana.

Exemple de contre-motion : Légaliser la consommation pure et simple de toutes les drogues dites « récréatives ».

La présentation d’une contre-motion vient ici déstabiliser le gouvernement, qui doit désormais revoir sa propre position. Le gouvernement doit démontrer en quoi le « but » de la motion est toujours valide, mais aussi en quoi une approche moins zélée que celle de l’opposition est plus avantageuse; il doit donc modérer son ardeur et, surtout, réfuter le plan de l’opposition sans contredire les arguments qu’il a lui-même apportés dans son premier discours!

3. Présenter une contre-motion afin d’adopter une position plus modérée que celle du gouvernement (les opposants ne divergent plus sur le but à atteindre mais plutôt sur la manière optimale de l’atteindre; le véritable débat devient alors un jeu de nuances et de subtilités). Cette technique est plus difficile. Elle demande une certaine expérience et une bonne connaissance du sujet. Cependant, une fois maîtrisée, elle peut produire un effet très réussi.

Exemple de motion : Que l’OTAN interdise la présence de forces de sécurité privée (Blackwater et al.) en Afghanistan.

Exemple de contre-motion : Que l’OTAN favorise le retrait progressif des forces de sécurité privée, en fonction du rythme de formation de la police et de l’armée afghanes.

Dans ce cas-ci, les deux parties sont d’accord sur le but à atteindre (le retrait des forces de sécurité privée) mais le gouvernement adopte une position plus tranchée (interdiction immédiate) tandis que l’opposition présente une approche plus modérée et, surtout, plus nuancée.

Application dans un débat

Si l’opposition désire présenter une contre-motion, elle doit le faire au cours des premières minutes du discours du MO. Le MO doit alors présenter le contre-plan et définir les termes nouveaux qu’il apporte à la motion. Si l’opposition décide d’utiliser la réfutation divisée (le fameux « split »), elle doit présenter la contre-motion au cours des premières minutes du premier discours de l’opposition (c’est-à-dire celui du CO). Le recours à réfutation divisée peut être particulièrement avantageux dans le cas d’une contre-motion puisqu’il permet au CO d’avancer immédiatement plusieurs arguments constructifs venant appuyer le nouveau plan. Cependant, une opposition qui présente une contre-motion (ou alternative) au cours de son dernier discours devrait être sérieusement pénalisée par les juges.

En conclusion, n’abusez pas de la contre-motion. Servez-vous de cette technique avec intelligence : ne l’utilisez pas si elle n’est pas nécessaire (si vous pouvez facilement faire tomber le plan de votre adversaire)! Par contre, n’hésitez pas à vous en servir lorsque la situation se présente.

mercredi 24 août 2011

La cristallisation : l’importance de la synthèse

La cristallisation est une technique permettant de conclure un discours de manière à produire le plus grand effet rhétorique possible. À première vue, celle-ci peut sembler assez complexe. Cependant, une fois maîtrisée, la cristallisation permet de laisser au juge une impression durable, augmentant ainsi vos chances de remporter le débat.

Définition :

Au sens figuré, le verbe cristalliser signifie : « Rassembler (des éléments épars) en un tout cohérent. » (Le Robert)

Dans un débat, la cristallisation consiste à synthétiser le débat de manière organisée et persuasive. Il s’agit d’identifier les grands enjeux, les grands principes ou les grands thèmes qui sous-tendent le débat et de démontrer comment, selon ces principes, c’est vous qui avez raison et qui devriez remporter le débat.

Voici un exemple de cas et de cristallisation :

Motion : QSRQ les conjoint(e)s et les enfants en situation de violence conjugale devraient être retirés de leurs foyers contre leur gré.

Selon cette motion, il est important de noter qu’il ne s’agit pas de déterminer si la violence conjugale est acceptable ou non (elle ne l’est pas). La question centrale du débat sera plutôt de savoir si une situation abusive justifie l’intervention de l’État contre la volonté des parties concernées.

Le gouvernement pourrait donc avancer les arguments suivants :

1) La primauté de la sécurité et de l’intégrité des êtres humains

2) La responsabilité de l’État face aux enfants dans des situations abusives

3) Le coût social de la violence conjugale (crimes, hospitalisations, troubles psychologiques, etc.)

4) Le devoir d’intervention lorsque les gens sont incapables d’assurer leur bien-être (ex. les gens atteints de maladies mentales, les toxicomanes, etc.)

L’opposition pourrait avancer les arguments suivants :

1) La primauté des libertés individuelles et de la volonté souveraine des individus (intrusion de l’État dans la sphère intime et risques de dérapages, etc.)

2) Le danger du déracinement chez des êtres vulnérables (précarité financière et psychologique)

3) Le syndrome du chien battu : les conjoint(e)s retiré(e)s contre leur gré risquent de retourner auprès de leurs agresseurs

4) Une situation qui porte préjudice à la victime sans nécessairement punir l’agresseur

D’après ces arguments, voici deux exemples de cristallisations qui pourraient être avancées par le gouvernement et par l’opposition :

Gouvernement : Du point de vue du gouvernement, il s’agit d’un cas où l’enjeu principal est d’assurer la sécurité et l’intégrité physique des citoyens, et plus particulièrement des gens en position vulnérable. Le gouvernement doit donc convaincre le juge qu’il est acceptable, dans ce genre de situation, de restreindre la liberté des conjoint(e)s/enfants dans la mesure où cette restriction leur donne accès à une plus grande sécurité; il s’agit donc d’une petite perte de liberté menant à un plus grand gain (meilleure qualité de vie). La cristallisation se fait donc selon le schéma suivant :

liberté vs sécurité -> sécurité est plus importante donc gouvernement gagne.

Opposition : Du point de vue de l’opposition, il s’agit d’un cas où l’enjeu principal est l’intrusion de l’État dans la sphère la plus intime de la vie des citoyens : leurs relations amoureuses. L’opposition doit convaincre le juge que cette intrusion est inacceptable et que les citoyens sont des êtres souverains, qu’ils jouissent de libertés individuelles inviolables, et qu’ils sont les seuls aptes à prendre de bonnes décisions en termes de relations amoureuses (même si la seule bonne décision possible est de quitter leur agresseur; pour que cette décision soit mise en œuvre, elle doit découler d’une certaine volonté chez la victime). La cristallisation se fait donc selon le schéma suivant :

sécurité vs liberté -> sans la liberté (respect de la volonté de la victime), la sécurité est nulle (syndrome du chien battu) donc opposition gagne.

Application dans un débat :

La cristallisation devrait être la dernière partie de votre discours, tout de suite après la réfutation. Vous pouvez annoncer de façon explicite à votre juge que vous allez cristalliser à l’aide d’une phrase du genre : « Je vais maintenant passer à la cristallisation. », ou encore « M. le Président, quels sont les grandes lignes de notre débat? ».

La cristallisation est une partie essentielle du rôle du Premier Ministre (discours de clôture) et du rôle du Chef de l’Opposition. Si ceux-ci ne présentent pas de cristallisation, le juge pourra considérer que ceux-ci n’ont pas rempli leurs rôles. Bien que le Membre de l’Opposition et le Ministre de la Couronne ne sont pas obligés de cristalliser, il leur est fortement recommandé de le faire. Cette cristallisation n’a pas besoin d’être aussi pointue que celle du PM et du CO (comme tous les arguments n’ont pas encore été avancés, il est difficile de cerner avec précision les grands principes du débat), mais il est bon de chercher à résumer de façon cohérente ce qui, selon vous, constitue l’essence de la motion.

Assurez-vous de garder au moins une minute à la fin de votre discours pour la cristallisation. Il est important de prendre le temps de présenter une cristallisation claire et intelligente. N’oubliez pas : il s’agit de votre dernière chance de convaincre le juge! Une conclusion faible ou mitigée ne risque pas de produire un effet mémorable. Une bonne cristallisation permet de conclure le débat de manière saisissante. L’impression finale que vous donnez sera celle que le juge aura en tête au moment d’évaluer le débat et de déterminer le vainqueur!

mardi 9 août 2011

Un bon argument, un bon titre

Cette capsule a comme objectif d’expliquer ce qui constitue un bon titre d’argument. Après votre introduction vous devez être capable d’énumérer vos arguments l’un à la suite de l’autre en utilisant des titres. Les titres vous permettent d’annoncer l’essence de votre discours. D’ailleurs, vous donnez l’occasion à vos adversaires de préparer une meilleure réfutation et d’éviter un «euh...je n’ai pas vraiment compris ce qu’il a dit» de leur part. Le dernier scénario n’est certainement pas désirable car, n’oubliez pas, tous vos arguments doivent être reconstruits, soit par vous ou par votre collègue, et reconstruire un argument qui n’a pas été compris n’est pas facile! Ou pire même, votre adversaire réfute l’idée qu’il pense avoir compris, alors que cette idée n’est pas du tout celle que vous vouliez véhiculer.

Le titre d’un argument est essentiellement le pont entre la substance de l’argument et la motion présentée. Le titre ne doit pas nécessairement révéler la valeur de l’argument, mais il doit donner un indice important sur son essence. Le titre doit être propre à votre argument et à la motion. C'est-à-dire que vous ne pouvez pas nommer un argument «la liberté d’expression». On peut quasiment parler de liberté d’expression pour chacune des motions et ce titre peut englober plusieurs arguments en lui même. Ainsi, le titre doit être spécifique.

Un titre doit être constitué de quelques mots seulement. Il ne peut pas être une phrase complète parce que vos adversaires et les juges n’auront pas la chance de prendre des notes. Aussi, le titre ne peut non plus être trop abstrait ou être une métaphore éloignée du sujet.

Votre titre doit aussi être accrocheur et sensé. Il doit être accrocheur parce qu’il faut que les juges s’en rappellent. Il doit être sensé parce qu’il faut que tout le monde comprenne lorsque vous faites référence à votre argument en l’appelant par son titre. Il faut que vos adversaires et les juges sachent exactement de quoi vous parlez lorsque vous invoquez le titre. C’est une bonne façon de cristalliser son argument en quelques mots. Ainsi, tant vous que vos adversaires pouvez utiliser le titre pour faire référence à l’argument sans qu’il soit nécessaire de l’expliquer à nouveau.

Exemple

Voici un exemple avec la motion suivante: «Qu’il soit résolu que Facebook ainsi que tous les réseaux sociaux soient désormais inaccessibles». Le premier argument qui sera avancé est que facebook crée une pression sociale nuisible aux individus en valorisant de façon démesurée l’apparence, complexant ainsi les internautes. Que pourrait être un titre qui résume l’argument sans toutefois être trop long, trop abstrait, trop révélateur, etc?

Voici quelques exemples de titres pour cet argument:

Le miroir de chacun (on ne sait pas où ça s’en va. Trop abstrait!)

La valorisation de la couverture d’un livre (attention à la métaphore surtout si elle n’ajoute rien à votre discours)

Valorisation de l’apparence des gens (ce titre est simple, mais pourrait être un peu plus original)

Facebook c’est mauvais parce que ça crée une pression sociale valorisant davantage l’apparence des individus sans raison particulière et ça complexe les gens (titre beaucoup trop long, ce n’est pas accrocheur non plus, et trop révélateur)

La société de l’image et ses effets nuisibles (simples, concis, accrocheur!)

Le dernier titre est probablement le meilleur des quatre parce qu’il annonce le contenu de l’argument sans toutefois le dévoiler. En effet, le débatteur annonce seulement qui parlera du rôle de l’image dans la société actuelle et de ses effets nuisibles. Il n’a toutefois pas dévoilé quels étaient ces effets nuisibles. Il devra le faire bien entendu dans son discours lorsqu’il présentera son argument.

Les titres sont des outils essentiels qui ajoutent à la valeur globale du débat. Un débat est facile à évaluer pour un juge lorsque tous les débatteurs sont capables de cristalliser leurs arguments en quelques mots. Le débat avancera donc à un bon rythme et vous permettra de référer à des parties de votre discours sans expliquer à nouveau l’essence de l’argument auquel vous vous référez.


mardi 26 juillet 2011

Les rôles du débat parlementaire canadien : structure et astuces

Ce court article vise à clarifier les différents rôles du débat parlementaire canadien. Nous présenterons leur structure, leurs difficultés, les habiletés requises, ainsi que des suggestions quant à la gestion du temps. Avant de passer en revue les différentes positions, nous débuterons la discussion en répondant à la question : quel rôle choisir dans un débat? (le masculin sera utilisé pour faciliter la lecture du texte mais celui-ci inclut autant les débatteurs femmes que les débatteurs hommes!)

Comment choisir son rôle?

Il est certain que l’optimum auquel devrait tendre l’équipe de débats est l’égalité entre ses membres au point de vue des habiletés et des connaissances. Suivant un tel idéal, les coéquipiers alternent à intervalles réguliers entre les différents rôles, chacun ayant une chance égale de s’exercer à effectuer le discours du chef de l’opposition, du membre du gouvernement etc. Cela est non seulement le meilleur stratagème au point de vue de l’amélioration du débatteur individuel, mais permet également à une équipe d’être prête pour tous les sujets lorsque celle-ci sera appelée à former l’opposition. Néanmoins, en réalité les choses ne se produisent souvent pas de cette manière et les débatteurs auront des forces et des faiblesses. Lors des débats de pratique toutefois, nous recommandons au débatteur en herbe d’essayer toutes les positions car les conséquences d’une performance sont minimes et le débatteur sera mieux formé et développera une plus grande polyvalence s’il ou elle expérimente avec différents rôles.
Il faut bien évidemment tenir compte de considérations supplémentaires si l’enjeu du débat est la victoire ou une performance publique. Les éléments à considérer sont les suivants : l’expérience, l’habileté, le niveau de confort avec la langue, la capacité de construction, la capacité de réfutation, la capacité de conclure ou de cristalliser et finalement la connaissance sur le sujet. Il est important d’informer les débatteurs novices de ces différents facteurs, ce qui les mènera peut-être à choisir eux-mêmes les rôles avec lesquels ils sont les plus confortables. Ces facteurs seront repris dans la présentation des rôles.

Premier ministre, 1er discours (PM)

En débat parlementaire canadien, le Premier ministre débute la ronde de débats avec un discours de 6 ou de 7 minutes. Si le cas est particulièrement complexe, choisissez 7 minutes, mais 6 minutes est suffisant pour un cas typique. La clarté du cas est essentielle. La motion doit être précédée de la phrase « Qu’il soit résolu que », doit être une affirmation normative, une politique, un plan d’action ou une nouvelle loi qui change le statu Quo (pour plus de détails sur ce sujet, consultez les articles du Débationnaire qui portent spécifiquement sur les motions). Après une explication du cas, les arguments doivent être présentés – le «road-map» – et la construction peut commencer. À ce point dans le débat il devrait vous rester au moins 4 minutes de temps de parole. Le nombre idéal d’arguments est trois, peut-être deux s’ils sont très bien étoffés, mais c’est l’exception. À la fin du discours, il faut vous laisser au moins 30 secondes pour la cristallisation, mais visez 45 secondes à 1 minute.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le rôle du Premier ministre n’est pas trop difficile pour les novices car il n’y a pas de réfutation ni de reconstruction et le cas est choisi en fonction des intérêts du débatteur. La capacité de construire des arguments et une « ligne de parti » est essentielle et la logique du cas et la clarté doivent absolument y être. L’attribution du rôle devrait généralement se faire selon la connaissance et l’intérêt pour le sujet. Pour les débatteurs expérimentés, s’ajoute à cela une capacité de pouvoir bien lire l’enjeu fondamental du débat et le présenter clairement au juge.


Membre de l’opposition (MO)

Ce discours de 7 minutes suit immédiatement celui du Premier ministre et possède la structure suivante: le discours débute avec une courte introduction, une présentation de la position de l’opposition ou encore du contre-plan, un ou deux arguments constructifs (je recommande deux si on veut jouer fair-play). À la première minute on doit commencer à construire ses arguments. Ceux-ci doivent être parmi les plus forts de l’opposition et permettre d’ériger la thèse centrale de l’équipe. Lorsque le chronomètre affiche 4 minutes, il faut commencer la réfutation point par point. À 6 minutes la cristallisation doit débuter et celle-ci doit inclure une présentation claire de la thèse centrale de l’opposition.
Il s’agit d’un des rôles les plus difficiles en débat à cause du manque de temps de préparation. Pour les novices, un argument est suffisant, et certains tournois ne demandent même pas à ce qu’un argument soit présenté. Présenter deux arguments permet toutefois un meilleur débat et un meilleur «clash» et il s’agit de la formule favorisée par l’auteur de ces lignes. Une stratégie à adopter est de présenter les arguments les plus évidents – qui sont souvent les plus forts – ce qui évite le stress de trouver des arguments originaux ou créatifs. Un enjeu supplémentaire est de savoir bien gérer la réfutation, surtout car tous les arguments du PM doivent être touchés. Si l’un des débatteurs est beaucoup moins expérimenté, le «split» est une bonne option (voir plus bas).

Membre du gouvernement (MG)

Ce discours est souvent considéré comme le plus « facile » en débats, mais la gestion du temps et de la structure peut être assez problématique. 0-1 min : Courte introduction et présentation des arguments (road-map), 1 min -3 min: construction d’un nouvel argument original, (visez 1 argument – à moins d’un éclat de génie – il faut que les arguments se distinguent de ceux du Premier ministre), 3 min – 4 min 30 secondes : réfutation du MO, 4 min 30 secondes à 6 min : reconstruction des arguments du PM (il faut faire davantage que les nommer, mais revenir sur les réfutations du MO et expliquer pourquoi les arguments du PM tiennent toujours). 1 min: débuter la cristallisation.
La précision au point de vue du temps est voulue, c’est l’aspect le plus difficile à gérer de ce discours. Par contre, le temps de préparation est indéfini, et il est une bonne idée de penser à des réfutations possibles afin de préparer le débatteur novice à les adresser. Il s’agit du discours le plus équilibré car tout y est, avec l’exception peut-être de l’habileté de cristallisation/conclusion qui n’est pas aussi cruciale.

Chef de l’opposition (CO)

Une astuce pour commencer : la réfutation est la clé de ce discours. La longueur de 10 minutes peut être assez intimidante pour le débatteur novice, mais favorise toutefois le débatteur de langue seconde, car beaucoup de temps lui est fourni pour articuler ses idées. Tel que mentionné précédemment, le «split» est une alternative acceptée dans les tournois de débat en français, où le membre de l’opposition vient faire le dernier trois minutes du discours du chef de l’opposition. Le nombre d’arguments est de deux ou trois, mais trois arguments devraient être présentés seulement si le MO n’a présenté qu’un seul argument et s’il s’agit du discours de 10 minutes.
La présentation du débat est la même que dans les discours précédents, mais dans le cas du non-split, les arguments doivent être présentés avant le dernier quatre minutes, et ce dernier segment ne doit pas contenir de nouveau matériel constructif – ce dernier quatre minutes est également un discours où les opposants ne peuvent poser de questions. Dans la mesure du possible il faut commencer la réfutation avant le dernier quatre minutes car ce discours doit également contenir une bonne part de reconstruction, particulièrement si le MO a présenté deux arguments. De surcroît, la cristallisation est cruciale et doit être commencée autour de 2 min -1 min 30 sec de la fin.
Avec le split, les règles sont un peu différentes car le discours du CO ressemble beaucoup à celui du membre du gouvernement – à l’exception près que très peu de cristallisation soit nécessaire. Ainsi, le dernier trois minutes présenté par le MO devrait contenir un peu de reconstruction et de réfutation au besoin, mais l’aspect central est la cristallisation. En l’occurrence, il est nécessaire de laisser au juge une impression très forte et très claire de la position de l’opposition pour conclure le débat. Le split est une bonne option lorsqu’un débatteur novice fait équipe avec un débatteur expérimenté car cela évite à la fois la difficulté du temps de préparation très court du MO et la longueur intimidante du discours du CO.

Discours final du premier ministre

Pour les novices, le défi de ce discours est de pouvoir synthétiser l’ensemble du débat en quelques points cruciaux. Pour commencer, une courte réfutation s’impose car il sera nécessaire d’adresser les points les plus importants soulevés par le Chef de l’Opposition. Le débatteur doit également effectuer de la reconstruction, particulièrement si certains arguments ont été fortement mis en doute par le discours du CO. L’élément le plus important toutefois est de rapporter le débat à une ou deux questions centrales, les exposer au juge et expliquer comment le Gouvernement doit remporter le débat selon la manière qu’il a adressé ces questions.

mercredi 1 juin 2011

La question, l'arme à double tranchant

La question est souvent un aspect sous estimé dans un débat. On oublie l’utilité multiple qu’elle peut avoir, au niveau du fond et de la forme. Mais la question est également une arme à double tranchant qui peut vite se retourner contre soi, autant quand on la pose que quand elle nous est dirigée.

Lorsqu’on pose une question…

On recommande aux débatteurs de poser au moins une question pendant un débat. Une question n’est jamais posée à son propre coéquipier, sinon à un membre du tandem adverse. Et contrairement au débat qui doit être adressé au président, une question peut être directement posée à la personne à qui elle est destinée.

Il ne doit pas s’agir d’une affirmation ou d’un commentaire, mais bien d’une question, invitant à une réponse. Et cette question doit être courte. Un juge pourra même vous demander de vous rasseoir si vous tardez trop.

La question peut avoir pour but l’éclaircissement d’un concept présenté par l’adversaire. Elle peut aussi être utilisée pour souligner une contradiction.

Pensez à la formulation de votre question avant de vous lever pour la poser. Une question «toute croche», qui ne va pas directement au but ou qui manque de clarté ne fera qu’augmenter la crédibilité de l’adversaire, même si ce qu’il dit est du pur non-sens.

On peut également se servir de l’utilisation répétitive de questions pour déstabiliser l’adversaire. On doit toutefois faire attention à l’abus, qui pourrait être vu par le juge comme de la mauvaise foi.

Lorsqu’on reçoit une question…

On recommande également aux débatteurs de répondre à au moins une question posée par le tandem adverse. Il ne s’agit pas là d’une obligation, mais cela démontre au juge que vous êtes réceptif à ce que votre argument et votre position soient confrontés. Et tout comme lorsqu’on pose une question, il n’est pas nécessaire de répondre par l’intermédiaire du président; on peut répondre directement à la personne qui a posé la question.

N’ayez pas peur de faire attendre la personne qui pose la question. Si vous êtes au beau milieu d’un argument, n’interrompez pas le fil de votre pensée; faites discrètement signe à l’adversaire de se rasseoir et prenez plutôt sa question lorsque l’élaboration de votre argument ou que votre idée est terminée. N’ayez pas peur non plus de carrément refuser une question si vous voyez qu’il vous reste peu de temps ou que cela pourrait altérer le rythme de votre intervention.

L’interrogation qui survient toujours lorsque surgit une question est bien sûr «Qu’est-ce que je vais dire si je ne sais pas quoi répondre?». S’il s’agit d’un thème que votre coéquipier abordera dans son intervention, n’hésitez pas à le mentionner. S’il s’agit d’un thème que vous-même abordez plus tard dans votre propre intervention, n’hésitez pas non plus à le mentionner (toutefois, n’oubliez pas d’y revenir!). Si vous ne savez pas quoi répondre, vous pouvez gagner du temps pour y penser en introduisant votre réponse par «il s’agit là en effet d’une question très pertinente qui est directement reliée avec l’aspect Y de l’argument du gouvernement/de l’opposition.» Évitez de répondre par des commentaires sans fond comme «cette question est ridicule», à moins que ce commentaire ne soit appuyé d’un pourquoi.

Si la personne qui pose une question est complètement à côté de la plaque, n’hésitez pas à le mentionner, toujours dans le respect.

*****

Tout comme les compétences d’un débatteur se développent avec la pratique, poser une question de façon efficace et précise, de même que d’y répondre de façon pertinente, s’apprend avec le temps. Et la question développe chez le débatteur des aptitudes non pas nécessairement oratoires, mais surtout stratégiques!