Ce court article vise à clarifier les différents rôles du débat parlementaire canadien. Nous présenterons leur structure, leurs difficultés, les habiletés requises, ainsi que des suggestions quant à la gestion du temps. Avant de passer en revue les différentes positions, nous débuterons la discussion en répondant à la question : quel rôle choisir dans un débat? (le masculin sera utilisé pour faciliter la lecture du texte mais celui-ci inclut autant les débatteurs femmes que les débatteurs hommes!)
Comment choisir son rôle?
Il est certain que l’optimum auquel devrait tendre l’équipe de débats est l’égalité entre ses membres au point de vue des habiletés et des connaissances. Suivant un tel idéal, les coéquipiers alternent à intervalles réguliers entre les différents rôles, chacun ayant une chance égale de s’exercer à effectuer le discours du chef de l’opposition, du membre du gouvernement etc. Cela est non seulement le meilleur stratagème au point de vue de l’amélioration du débatteur individuel, mais permet également à une équipe d’être prête pour tous les sujets lorsque celle-ci sera appelée à former l’opposition. Néanmoins, en réalité les choses ne se produisent souvent pas de cette manière et les débatteurs auront des forces et des faiblesses. Lors des débats de pratique toutefois, nous recommandons au débatteur en herbe d’essayer toutes les positions car les conséquences d’une performance sont minimes et le débatteur sera mieux formé et développera une plus grande polyvalence s’il ou elle expérimente avec différents rôles.
Il faut bien évidemment tenir compte de considérations supplémentaires si l’enjeu du débat est la victoire ou une performance publique. Les éléments à considérer sont les suivants : l’expérience, l’habileté, le niveau de confort avec la langue, la capacité de construction, la capacité de réfutation, la capacité de conclure ou de cristalliser et finalement la connaissance sur le sujet. Il est important d’informer les débatteurs novices de ces différents facteurs, ce qui les mènera peut-être à choisir eux-mêmes les rôles avec lesquels ils sont les plus confortables. Ces facteurs seront repris dans la présentation des rôles.
Premier ministre, 1er discours (PM)
En débat parlementaire canadien, le Premier ministre débute la ronde de débats avec un discours de 6 ou de 7 minutes. Si le cas est particulièrement complexe, choisissez 7 minutes, mais 6 minutes est suffisant pour un cas typique. La clarté du cas est essentielle. La motion doit être précédée de la phrase « Qu’il soit résolu que », doit être une affirmation normative, une politique, un plan d’action ou une nouvelle loi qui change le statu Quo (pour plus de détails sur ce sujet, consultez les articles du Débationnaire qui portent spécifiquement sur les motions). Après une explication du cas, les arguments doivent être présentés – le «road-map» – et la construction peut commencer. À ce point dans le débat il devrait vous rester au moins 4 minutes de temps de parole. Le nombre idéal d’arguments est trois, peut-être deux s’ils sont très bien étoffés, mais c’est l’exception. À la fin du discours, il faut vous laisser au moins 30 secondes pour la cristallisation, mais visez 45 secondes à 1 minute.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le rôle du Premier ministre n’est pas trop difficile pour les novices car il n’y a pas de réfutation ni de reconstruction et le cas est choisi en fonction des intérêts du débatteur. La capacité de construire des arguments et une « ligne de parti » est essentielle et la logique du cas et la clarté doivent absolument y être. L’attribution du rôle devrait généralement se faire selon la connaissance et l’intérêt pour le sujet. Pour les débatteurs expérimentés, s’ajoute à cela une capacité de pouvoir bien lire l’enjeu fondamental du débat et le présenter clairement au juge.
Membre de l’opposition (MO)
Ce discours de 7 minutes suit immédiatement celui du Premier ministre et possède la structure suivante: le discours débute avec une courte introduction, une présentation de la position de l’opposition ou encore du contre-plan, un ou deux arguments constructifs (je recommande deux si on veut jouer fair-play). À la première minute on doit commencer à construire ses arguments. Ceux-ci doivent être parmi les plus forts de l’opposition et permettre d’ériger la thèse centrale de l’équipe. Lorsque le chronomètre affiche 4 minutes, il faut commencer la réfutation point par point. À 6 minutes la cristallisation doit débuter et celle-ci doit inclure une présentation claire de la thèse centrale de l’opposition.
Il s’agit d’un des rôles les plus difficiles en débat à cause du manque de temps de préparation. Pour les novices, un argument est suffisant, et certains tournois ne demandent même pas à ce qu’un argument soit présenté. Présenter deux arguments permet toutefois un meilleur débat et un meilleur «clash» et il s’agit de la formule favorisée par l’auteur de ces lignes. Une stratégie à adopter est de présenter les arguments les plus évidents – qui sont souvent les plus forts – ce qui évite le stress de trouver des arguments originaux ou créatifs. Un enjeu supplémentaire est de savoir bien gérer la réfutation, surtout car tous les arguments du PM doivent être touchés. Si l’un des débatteurs est beaucoup moins expérimenté, le «split» est une bonne option (voir plus bas).
Membre du gouvernement (MG)
Ce discours est souvent considéré comme le plus « facile » en débats, mais la gestion du temps et de la structure peut être assez problématique. 0-1 min : Courte introduction et présentation des arguments (road-map), 1 min -3 min: construction d’un nouvel argument original, (visez 1 argument – à moins d’un éclat de génie – il faut que les arguments se distinguent de ceux du Premier ministre), 3 min – 4 min 30 secondes : réfutation du MO, 4 min 30 secondes à 6 min : reconstruction des arguments du PM (il faut faire davantage que les nommer, mais revenir sur les réfutations du MO et expliquer pourquoi les arguments du PM tiennent toujours). 1 min: débuter la cristallisation.
La précision au point de vue du temps est voulue, c’est l’aspect le plus difficile à gérer de ce discours. Par contre, le temps de préparation est indéfini, et il est une bonne idée de penser à des réfutations possibles afin de préparer le débatteur novice à les adresser. Il s’agit du discours le plus équilibré car tout y est, avec l’exception peut-être de l’habileté de cristallisation/conclusion qui n’est pas aussi cruciale.
Chef de l’opposition (CO)
Une astuce pour commencer : la réfutation est la clé de ce discours. La longueur de 10 minutes peut être assez intimidante pour le débatteur novice, mais favorise toutefois le débatteur de langue seconde, car beaucoup de temps lui est fourni pour articuler ses idées. Tel que mentionné précédemment, le «split» est une alternative acceptée dans les tournois de débat en français, où le membre de l’opposition vient faire le dernier trois minutes du discours du chef de l’opposition. Le nombre d’arguments est de deux ou trois, mais trois arguments devraient être présentés seulement si le MO n’a présenté qu’un seul argument et s’il s’agit du discours de 10 minutes.
La présentation du débat est la même que dans les discours précédents, mais dans le cas du non-split, les arguments doivent être présentés avant le dernier quatre minutes, et ce dernier segment ne doit pas contenir de nouveau matériel constructif – ce dernier quatre minutes est également un discours où les opposants ne peuvent poser de questions. Dans la mesure du possible il faut commencer la réfutation avant le dernier quatre minutes car ce discours doit également contenir une bonne part de reconstruction, particulièrement si le MO a présenté deux arguments. De surcroît, la cristallisation est cruciale et doit être commencée autour de 2 min -1 min 30 sec de la fin.
Avec le split, les règles sont un peu différentes car le discours du CO ressemble beaucoup à celui du membre du gouvernement – à l’exception près que très peu de cristallisation soit nécessaire. Ainsi, le dernier trois minutes présenté par le MO devrait contenir un peu de reconstruction et de réfutation au besoin, mais l’aspect central est la cristallisation. En l’occurrence, il est nécessaire de laisser au juge une impression très forte et très claire de la position de l’opposition pour conclure le débat. Le split est une bonne option lorsqu’un débatteur novice fait équipe avec un débatteur expérimenté car cela évite à la fois la difficulté du temps de préparation très court du MO et la longueur intimidante du discours du CO.
Discours final du premier ministre
Pour les novices, le défi de ce discours est de pouvoir synthétiser l’ensemble du débat en quelques points cruciaux. Pour commencer, une courte réfutation s’impose car il sera nécessaire d’adresser les points les plus importants soulevés par le Chef de l’Opposition. Le débatteur doit également effectuer de la reconstruction, particulièrement si certains arguments ont été fortement mis en doute par le discours du CO. L’élément le plus important toutefois est de rapporter le débat à une ou deux questions centrales, les exposer au juge et expliquer comment le Gouvernement doit remporter le débat selon la manière qu’il a adressé ces questions.