mercredi 24 août 2011

La cristallisation : l’importance de la synthèse

La cristallisation est une technique permettant de conclure un discours de manière à produire le plus grand effet rhétorique possible. À première vue, celle-ci peut sembler assez complexe. Cependant, une fois maîtrisée, la cristallisation permet de laisser au juge une impression durable, augmentant ainsi vos chances de remporter le débat.

Définition :

Au sens figuré, le verbe cristalliser signifie : « Rassembler (des éléments épars) en un tout cohérent. » (Le Robert)

Dans un débat, la cristallisation consiste à synthétiser le débat de manière organisée et persuasive. Il s’agit d’identifier les grands enjeux, les grands principes ou les grands thèmes qui sous-tendent le débat et de démontrer comment, selon ces principes, c’est vous qui avez raison et qui devriez remporter le débat.

Voici un exemple de cas et de cristallisation :

Motion : QSRQ les conjoint(e)s et les enfants en situation de violence conjugale devraient être retirés de leurs foyers contre leur gré.

Selon cette motion, il est important de noter qu’il ne s’agit pas de déterminer si la violence conjugale est acceptable ou non (elle ne l’est pas). La question centrale du débat sera plutôt de savoir si une situation abusive justifie l’intervention de l’État contre la volonté des parties concernées.

Le gouvernement pourrait donc avancer les arguments suivants :

1) La primauté de la sécurité et de l’intégrité des êtres humains

2) La responsabilité de l’État face aux enfants dans des situations abusives

3) Le coût social de la violence conjugale (crimes, hospitalisations, troubles psychologiques, etc.)

4) Le devoir d’intervention lorsque les gens sont incapables d’assurer leur bien-être (ex. les gens atteints de maladies mentales, les toxicomanes, etc.)

L’opposition pourrait avancer les arguments suivants :

1) La primauté des libertés individuelles et de la volonté souveraine des individus (intrusion de l’État dans la sphère intime et risques de dérapages, etc.)

2) Le danger du déracinement chez des êtres vulnérables (précarité financière et psychologique)

3) Le syndrome du chien battu : les conjoint(e)s retiré(e)s contre leur gré risquent de retourner auprès de leurs agresseurs

4) Une situation qui porte préjudice à la victime sans nécessairement punir l’agresseur

D’après ces arguments, voici deux exemples de cristallisations qui pourraient être avancées par le gouvernement et par l’opposition :

Gouvernement : Du point de vue du gouvernement, il s’agit d’un cas où l’enjeu principal est d’assurer la sécurité et l’intégrité physique des citoyens, et plus particulièrement des gens en position vulnérable. Le gouvernement doit donc convaincre le juge qu’il est acceptable, dans ce genre de situation, de restreindre la liberté des conjoint(e)s/enfants dans la mesure où cette restriction leur donne accès à une plus grande sécurité; il s’agit donc d’une petite perte de liberté menant à un plus grand gain (meilleure qualité de vie). La cristallisation se fait donc selon le schéma suivant :

liberté vs sécurité -> sécurité est plus importante donc gouvernement gagne.

Opposition : Du point de vue de l’opposition, il s’agit d’un cas où l’enjeu principal est l’intrusion de l’État dans la sphère la plus intime de la vie des citoyens : leurs relations amoureuses. L’opposition doit convaincre le juge que cette intrusion est inacceptable et que les citoyens sont des êtres souverains, qu’ils jouissent de libertés individuelles inviolables, et qu’ils sont les seuls aptes à prendre de bonnes décisions en termes de relations amoureuses (même si la seule bonne décision possible est de quitter leur agresseur; pour que cette décision soit mise en œuvre, elle doit découler d’une certaine volonté chez la victime). La cristallisation se fait donc selon le schéma suivant :

sécurité vs liberté -> sans la liberté (respect de la volonté de la victime), la sécurité est nulle (syndrome du chien battu) donc opposition gagne.

Application dans un débat :

La cristallisation devrait être la dernière partie de votre discours, tout de suite après la réfutation. Vous pouvez annoncer de façon explicite à votre juge que vous allez cristalliser à l’aide d’une phrase du genre : « Je vais maintenant passer à la cristallisation. », ou encore « M. le Président, quels sont les grandes lignes de notre débat? ».

La cristallisation est une partie essentielle du rôle du Premier Ministre (discours de clôture) et du rôle du Chef de l’Opposition. Si ceux-ci ne présentent pas de cristallisation, le juge pourra considérer que ceux-ci n’ont pas rempli leurs rôles. Bien que le Membre de l’Opposition et le Ministre de la Couronne ne sont pas obligés de cristalliser, il leur est fortement recommandé de le faire. Cette cristallisation n’a pas besoin d’être aussi pointue que celle du PM et du CO (comme tous les arguments n’ont pas encore été avancés, il est difficile de cerner avec précision les grands principes du débat), mais il est bon de chercher à résumer de façon cohérente ce qui, selon vous, constitue l’essence de la motion.

Assurez-vous de garder au moins une minute à la fin de votre discours pour la cristallisation. Il est important de prendre le temps de présenter une cristallisation claire et intelligente. N’oubliez pas : il s’agit de votre dernière chance de convaincre le juge! Une conclusion faible ou mitigée ne risque pas de produire un effet mémorable. Une bonne cristallisation permet de conclure le débat de manière saisissante. L’impression finale que vous donnez sera celle que le juge aura en tête au moment d’évaluer le débat et de déterminer le vainqueur!

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